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2 octobre 2012 2 02 /10 /octobre /2012 12:09

 

Voici une question qui semble bien simple. Et qui appelle, à première vue, une réponse positive.

Cet article pourrait s’arrêter là, sauf si on creuse un peu la question.

 

Les musiciens du soir sont-ils les plus nombreux, en pourcentage, dans les fauteuils des concerts ou sur les sièges des multiples festivals de l’hexagone ? Rien n’est moins sûr !

Si l’on en croit des observations réalisées ou des données glanées dans quelques études, le fait de pratiquer, à titre de loisir, la musique, ne conduit pas, de facto, dans les salles de spectacle. Encore que le propos mérite d’être nuancé et que, en fonction de l’instrument pratiqué, souvent révélateur d’un parcours d’études ou d’un niveau social, des différences notables existent.

 

La pratique du piano ou des cordes et, dans une moindre mesure, le chant choral, semblent être des prédispositions favorables. Alors que celles d’un instrument à vent conduisent plus à « l’entre-soi ». En tous cas, en ce qui concerne la version « classique » du concert ou du festival. La même observation pouvant être faite au niveau de la discographie personnelle qui, dans nombre de cas, ne semble pas être une source d’enrichissement au service de son activité musicale.

 

Mais alors ! Pourquoi cet état de fait ?

 

Quelques réponses simples peuvent venir à l’esprit :

 

- la vie professionnelle et familiale prenante, de laquelle émerge juste le temps de pratiquer pour « se changer les idées »

- un manque de curiosité qui fait que l’on se contente d’un minimum connu dans lequel on se sent bien

- une relation ambiguë à la musique considérée comme un simple dérivatif, sans lui donner une place importante dans sa vie

- un manque d’habitudes prises dès le plus jeune âge

- les rites sociaux, le fait que l’on considère cette démarche comme trop élitiste, trop bourgeoise, ne correspondant pas au milieu dans lequel on évolue

- le manque d’un réseau de relations qui fréquente régulièrement ces lieux

- un certain goût, d’ailleurs croissant, pour la facilité musicale - à tendance éphémère et consumériste - assortie de l’idée reçue que la musique classique, contemporaine, ou l’opéra, la danse… demandent un effort important de concentration ou d’approche pour en tirer une vraie satisfaction

- un manque de culture générale et artistique qui fait que l’on n’a pas les « clés » pour rentrer aisément dans le monde d’un créateur

- la concurrence des médias de proximité de type télévision, radio et Internet…

 

La liste pourrait être encore longue et mérite, sans cesse d’être mise à jour pour comprendre l’évolution des habitudes et des mentalités.

 

Et bien ! Que pourrait-on faire ?

 

Question délicate qui, nous semble t’il doit avoir, comme prélude, la place que la musique occupe dans la petite enfance et la relation de proximité, d’amitié que l’on entretiendra, le plus tôt possible, avec elle. Autrement dit, un environnement familial et amical où la musique est présente est un atout. Evident ! Mais aussi, comment le contact avec la musique sera vécu à l’école, à l’école de musique ou au conservatoire le cas échéant. Sera-t-elle simplement considérée comme une « matière » de plus au programme – déjà lourd – d’apprentissage ? C’est-à-dire comme quelque chose uniquement générateur d’efforts et de sueur, mais qu’on n’aura pas appris à déguster, à savourer, avant de s’aventurer dans la partie « cuisine » ou « atelier ».

 

Et puis, également, se pose la question de la relation avec l’artiste (à toutes échelles), de la star au modeste artisan local. Ces personnes ne semblent-elles pas par trop inaccessibles, habitantes d’un autre monde lointain et préservé, avec ses rites d’un autre âge… Il est assez stupéfiant de voir combien la notion de concert peut être facilement reliée à celle de musée. Il y a de quoi s’interroger, non ? Comme si musée, concert et festival étaient des endroits non de culture vivante, mais des sortes de silos encyclopédiques dans lesquels on va puiser lorsque l’on cherche quelque chose de précis, ou lorsque l’on dispose d’un peu de temps pour se donner la bonne conscience de l’ajout d’une petite strate culturelle.

 

Je sais ces propos quelque peu provocateurs, et ils le sont, animés de l’intention d’interroger et de s'interroger !

 

Sans avoir de solution précise et garantie à proposer, il me semble que l’on pourrait, a minima, explorer quelques pistes :

 

- celle de la notion de concert ou de festival « aimant » ou à l’inverse « rayonnant », capable « d’aller vers », sans crainte du type de public rencontré

- la nécessité de posséder des clés basiques pour rentrer dans le monde artistique, non par plaisir d’un savoir livresque, mais pour cultiver le plaisir épicurien du gastronome de musique

- et, par ricochet, le besoin vital d’avoir les outils et les hommes de médiation, interfaces entre le monde « savant », et celui, encore vierge de nourriture artistique

- le besoin aussi, pour l’individu « lambda » et mille fois plus encore, pour l’enfant en devenir, d’être dans un contact quasi physique, viscéral, minéral, avec l’objet « art » et/ou « musique ». Que cette matière, si délicate à définir, il puisse au moins, la manier, la triturer, se l’approprier pour la faire sienne. Que l’on ose lui dire que ce champ là, sans cesse mouvant, est infini, et qu’il pourra être son fidèle compagnon d’une vie. Et faire en sorte que ce contact ne soit pas le fait d’un moment « T » de son parcours, mais qu’il soit une vraie transversale de sa scolarité.

- et la curiosité, bien sûr ! Elle doit bien pouvoir s’apprendre ? ou au moins se cultiver ! Elle reste le moteur essentiel de toute vie riche… antidote aux vérités assenées, forge d’une opinion et d’un goût personnels… bref, quelques éléments qui, justement, véhiculent des notions artistiques.

 

Peut-être, pourrait-on suggérer, sans blesser personne, que les projets des orchestres, des ensembles, des salles de spectacle, des festivals… devraient, au stade de leur conception, intégrer ces éléments forts et se construire autour d’eux, dans un esprit nouveau, et ne plus se contenter de fidéliser un public d’habitués, parfois même captif ou présent par obligation, dont la représentation majoritaire, parfois même exclusive, donne peu envie aux « autres » de s’identifier à lui. (*)

 

Sylvain Marchal - 2003

 

" Les choses ont évolué quand même, non ? "

 

 

 

(*) Bien sûr, cette dernière opinion pourrait tout aussi bien être défendue de la manière totalement inverse, en disant que, dans toute démocratie, des groupes d’individus aux affinités communes, peuvent avoir leurs espaces de rencontre et de plaisirs partagés. Un entre-soi culturel qui n’aurait, en définitive, rien de choquant.

Oui, le sujet reste complexe, et ce modeste propos, bien incomplet !

 

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